Qu’est-ce que l’intention photographique ?
A l’origine de toute prise de vue, il y a l’intention photographique. Avant les réglages, il y a l’intention photographique. Avant même de prendre son appareil photo en mains et d’appuyer sur le déclencheur, il y a l’intention photographique.
Il s’agit en quelque sorte de l‘image que le photographe a en tête. Mais pour imaginer, il faut indubitablement passer par la case « réflexion ».
En découle une idée très précise de ce que recherche le photographe et de la photo finale. Et de fait, tous ses choix doivent converger dans le sens de cette idée. L’intention touche chaque aspect et chaque détail : lieu, sujet, vêtements, couleurs, pose, lumière, focale, réglages…
L’intention découle toujours d’une étape où le photographe s’interroge sur ce qu’il veut montrer et comment, le message qu’il souhaite transmettre, l’émotion qu’il se prépare à donner au spectateur : soit la façon de transcrire sa vision du monde.
Ce moment de réflexion n’est jamais une perte de temps, bien au contraire… Le photographe crée mentalement l’image qu’il souhaite réaliser.
Mais alors, pouvons-nous imaginer que l’apprentissage d’un débutant en photographie ne se fait pas dans le bon ordre, en terme de chronologie ? Peut-être faut-il se demander ce que nous avons à dire avant d’apprendre à régler son appareil photo ou à maitriser les règles de bases en photographie ?
Les piliers de l’intention photographique
Le photographe raconte une histoire avec ses clichés. En travaillant sur son intention, il va commencer à dégager les contours de cette histoire en mettant en avant trois piliers qui vont permettre cette construction, mentale dans un premier temps.
Véhiculer de l’émotion
Une image est un vecteur fort d’émotion entre trois acteurs :
- le photographe
- le spectateur
- l’image
Chacun interagit sur les autres : le photographe a eu une certaine émotion au moment de la prise de vue ; il doit la véhiculer à travers une image ; le spectateur regarde avec ses propres émotions et en fait une interprétation.
Tout ce processus s’exprime longtemps après l’émotion initiale du photographe et en un lieu différent. Ceci explique la difficulté pour qu’une connexion s’établisse. Si l’intention est absente, cela se révèle pratiquement impossible.
Et c’est dans cet imbroglio d’émotions qu’il doit se passer quelque chose, un lien spécial de l’ordre du ressenti.
Transmettre un message
En répondant à la question « pourquoi est-ce que je prends cette photo ? », le photographe commence déjà a formuler son message.
Il faut garder à l’esprit que le message se traduit ici en image et non pas avec des mots. C’est pourquoi la photo doit être murement réfléchie pour apparaitre suffisamment explicite.
Le message peut être subtil ou très affirmé. Il va dépendre de ce que le photographe va décider d’inclure dans le cadre. Une même scène peut donner des messages complètement divergents en rapport avec l’intention photographique, les choix de cadrage du photographe, son état d’esprit du moment.
Si vous travaillez sur une série en photo, le message sera d’autant plus important qu’il doit se retrouver soit sur chaque image soit sur la série dans sa globalité. Une intention claire et affirmée s’avère alors indispensable.
Montrer quelque chose
Un photographe veut montrer certaines choses en se focalisant sur un sujet en particulier qu’il met en avant. Son intention découle directement de cette volonté. Il va devoir faire des choix qui vont permettre de montrer efficacement.
Il veut attirer l’attention sur un sujet donné. Et pour que le spectateur accroche à la photo, le photographe doit réfléchir au moyen le plus efficace pour capter le regard et le guider à l’endroit exact où il doit se poser.
La composition et les réglages au service de l’intention photographique
L’intention se caractérise par l’écart de qualité qui réside entre une photo travaillée et une photo qui ne l’est pas.
La composition
Une fois sa réflexion menée et son image en tête, le photographe peut travailler mentalement sa composition.
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La composition permet d’ajuster harmonieusement, et en accord avec l’intention photographique, les éléments présents dans le cadre.
Il s’agit là de l’aspect un peu plus technique de l’intention. Cela revient à mettre en image un ressenti visible sur une photo.
Tout est alors question de choix :
- fond flou ou fond net => profondeur de champ variable en fonction du focus sur un sujet ou non.
- gros plan ou plan large => sentiment d’intimité ou de solitude.
- lignes directives => pour emmener le regard vers une zone.
- macro => curiosité et questionnement.
- contre-plongée => impression de gigantisme.
- etc…
Les réglages
Le choix des réglages de votre appareil photo va déterminer, dans certains cas, votre intention photographique :
- profondeur de champ
- exposition
- vitesse d’obturation
- etc…
Tous ces réglages ne sont pas anodins et participent au rendu final. En général, ils s’imposent de fait en fonction de l’intention photographique qui a été définie.
Avec l’expérience, cette étape prend relativement peu de temps au photographe aguerri. Pour un débutant, il est important de bien maitriser les réglages de base afin qu’une erreur ne vienne pas contrecarrer votre intention initiale.
Le contraire de l’intention photographique
Sans intention, les images seront certes peut-être jolies mais c’est tout… pas d’émotion, pas de message. Vous risquez de faire des images sans âme qui ne seront pas capables de véhiculer une émotion.
Le trio photographe-image-spectateur ne se connectera pas.
Déclencher sans réfléchir
Le manque de réflexion et la précipitation à appuyer sur le déclencheur représentent les deux ingrédients d’un cocktail assez fade et quelconque.
Les lecteurs de cet article ont également consulté « 5 questions à se poser avant d’appuyer sur le déclencheur ».
Vous risquez de produire de belles photos assez communes en n’ayant pas d’intention photographique. Or nous savons tous que la beauté est en soi très subjective.
L’accumulation d’image n’est pas une fin en soi mais la maitrise de l’intention l’est.
L’émotion n’est palpable que si tout est mis en œuvre pour tendre vers elle. Son approche se travaille avec minutie.
Sans réflexion, vous abaissez la qualité de vos photos. Ce manque de performance répété risque fort de vous laisser penser que n’importe quel résultat est satisfaisant… Dans cette optique, il n’y a pas de progression possible.
Me viens à l’esprit une phrase d’un grand photographe que j’aime beaucoup. Elle résume vraiment tout.
Travailler son intention, c’est passer d’utilisateur d’appareil photo à photographe.
David duChemin
Dans ses livres ou les stages qu’il anime, David duChemin, met toujours l’accent sur l’importance et la nécessité pour un photographe d’exprimer sa vision et son intention au moment de photographier. Dans « Au cœur de la photographie », il évoque la multitude de questions qu’un photographe devrait se poser avant de déclencher.
Oublier de travailler la composition
Sans composition, pas de message, pas d’émotion. La composition est garante d’une réflexion concernant le comment : « comment traduire mon intention concrètement ? ».
Sans maitriser votre composition, vous prenez le risque d’inclure dans le cadre des éléments inutiles qui viennent perturber l’harmonie, voire détourner le regard du sujet.
Occulter le message
Faire une photo pour faire une photo. Il n’y a aucune approche artistique si la prise de vue s’avère vide de sens.
Le message touche, émet une résonance intérieure chez le spectateur, interpelle. S’en priver revient à produire des clichés inutiles en terme de démarche créative. Il n’y a d’ailleurs aucune créativité à appuyer sur le déclencheur sans intention.
Une photo est faite pour être montrée et/ou exposée. Mais quel spectateur a envie de perdre son temps à regarder une image qui n’a a priori aucun sens ni message.
Le message accroche le regard et le conserve. Il provoque une réflexion en retour chez le spectateur. C’est parce qu’il y a un message avec une intention photographique derrière que certains photographes deviennent de grands photographes
A chaque photo son intention
L’intention photographique n’est pas une option si vous voulez progresser. Aucune photo ne devrait être prise sans intention. S’il n’y avait qu’une seule règle à respecter en photographie ce serait celle-ci.
Il faut absolument que le photographe ait un but précis en tête chaque fois avant d’appuyer sur le déclencheur. L’erreur du débutant est de déclencher « parce que c’est joli ». Mais ce n’est pas une raison suffisante !
J’aime penser que le photographe ne voit pas le monde comme tout le monde. Son œil est aiguisé et entrainé à percevoir des détails qui demeurent invisibles pour beaucoup : une luminosité particulière, une dynamique des lignes, un reflet inhabituel, un petit élément qui remplit soudain tout l’espace… Ce regard singulier associé à une intention photographique réfléchie donne des images de grande qualité artistique et émotionnelle.
Pour terminer, je vous propose un petit exercice très simple et cependant des plus instructif : analysez des clichés de grands photographes et débusquez leurs intentions sur chacun (elles doivent être assez évidentes en général).
