André Kertész est un photographe d’origine hongroise né en 1894 (il s’éteint à New-York en 1985). Il est l’un des photographes majeurs du XXème siècle. Par son approche très graphique, il a permis de faire de la photographie un art à part entière.
Depuis quelques mois, je me suis lancée comme défi de parfaire ma culture photographique. Si apprendre les bases techniques de la photo s’avère indispensable pour que vos images gagnent en qualité, il ne faut pas oublier l’importance que revêt l’inspiration. Et cette dernière est directement liée à ce qui a été fait avant vous. S’inspirer des grands photographes est un atout supplémentaire pour progresser. Parfois, une simple citation transmet autant de conseils qu’un long article, pour celui qui est ouvert et réceptif.
J’ai donc « rencontré » André Kertész grâce à une phrase d’Henri Cartier-Bresson qui m’a beaucoup intriguée…
« Quoi que nous ayons fait, Kertész l’a fait le premier. »
Henri CARTIER-BRESSON
C’est donc ainsi que j’ai voulu aller plus loin et mieux connaître ce photographe… Et là, je découvre un photographe d’une rare modernité…
Biographie d’André Kertész
L’homme
Andor Kertész nait le 2 juillet 1894 à Budapest en Hongrie. Il achète son premier appareil photo alors qu’il a 18 ans. Les scènes de rue deviennent ses sujets de photos préférées.
En 1916, il reçoit un prix à l’occasion d’un concours amateur pour un autoportrait. Mobilisé pendant la première guerre mondiale, il photographie ses compagnons de combats. Il devient alors le premier photo-reporter. Malheureusement, nombres de ses négatifs disparaissent lors de la révolution de 1918.
Le photographe
Il s’installe, en 1925, à Paris, dans le Montparnasse de l’avant-garde artistique. Là, il réalise les portraits de Brancusi, Mondrian, Léger, Chagall… Il photographie des ateliers d’artistes.
Bien qu’il soit proche des surréalistes ou des Dada, il n’appartient pourtant à aucun mouvement.
Les années 30 voient ses œuvres s’imposer et s’exposer. C’est en 1933 qu’il réalise la célèbre série « Distorsions » réalisée à l’aide d’un miroir déformant, d’une chambre Linhof (format 9x12cm) et d’un système d’objectifs à combinaisons.
André Kertész part pour New-York en 1936. Mais la montée du nazisme puis la seconde guerre mondiale l’empêche de retourner en Europe. Il obtient la nationalité américaine quelques années plus tard.
A partir de 1960, les expositions se succèdent dans le monde entier, ainsi que les récompenses diverses.
En 1975, André Kertész est l’invité d’honneur des Rencontres Internationales de la Photographie à Arles.
L’œuvre photographique
Le graphisme selon André Kertész
Son œuvre photographique est très liée au graphisme qui, selon lui, est inhérent et constitue le monde.
Il considère la photographie, non pas comme le reflet du réel, mais au contraire comme l’outil qui permet de mettre en valeur les formes graphiques qui composent le monde.
« Je ne documente jamais, je donne une interprétation du réel.«
André Kertész
Le graphisme est partout pour le photographe : des lettrages aux affiches publicitaires jusque dans les formes et lignes directrices (barrière, roue, courbe…).
Le photographe estime que le monde est fait de signes qui ne demandent qu’à être déchiffrer. Seule une véritable curiosité envers le monde permet cette vision particulière. Ici, curiosité est synonyme de d’intérêt, de sollicitude bienveillante…
« Je suis éternellement un débutant qui découvre le monde encore et encore.«
André Kertész
L’ombre selon André Kertész
Les jeux d’ombre tiennent une place importante dans l’œuvre du photographe. Il travaille avec toutes sortes de sources d’ombres : objets, passants ou acteurs anonymes de la rue et même la sienne (dans des autoportraits singuliers).
Il utilise les ombres portées autant que celles escamotées de leurs modèles, afin qu’elles deviennent elles-mêmes le sujet principal de l’image.
Le noir & blanc selon André Kertész
Le photographe est convaincu que l’utilisation du noir & blanc convient parfaitement pour révéler avec intensité la vérité graphique du monde. C’est pourquoi il travaillera uniquement en noir & blanc pendant près de 60 ans.
Ses prises de vue en couleur restent anecdotiques au cours des années 60 et 70. Pourtant, à partir de 1979, André Kertész va expérimenté le Polaroïd avec de petites mises en scène intimistes jouant sur les reflets et la transparence d’objets.
La plongée selon André Kertész
L’œuvre d’André Kertész met l’accent sur un cadrage très particulier qui se répète tout au long de la vie du photographe : la plongée.
Il aime à dire que cet angle de vision s’avère parfait pour saisir la mise en scène qu’offre le monde. Ainsi, la vision est globale. Il s’agit de la meilleure manière pour appréhender la scène dans son ensemble.
Les éléments du cadre sont comme autant de pièces disposées là pour se donner à voir… à qui sait regarder le monde.
« Ce n’est pas le sujet qui fait une photographie, mais le point de vue du photographe.«
André Kertész
L’idée d’être « à la fenêtre », un peu en retrait de ce qui se déroule plus bas, met le photographe à distance, comme un observateur, étranger à la scène.
Il y a dans cette position une approche presque mystique de l’être contemplant le monde, ou du moins un certain recul philosophique, un regard hors du monde. Le photographe devient un observateur de la mécanique du monde.
La modernité de l’œuvre
En faisant mes recherches pour cet article, j’ai découvert une œuvre d’une modernité à laquelle je ne m’attendais pas, je dois bien l’avouer.
J’ai découvert un photographe curieux, comme je les aime. Sa curiosité a souvent fait de lui un précurseur concernant la matériel (c’est le premier à utiliser un Leïca professionnellement) comme les techniques. Il a côtoyé divers courants artistiques sans jamais se restreindre à n’adhérer qu’à un seul.
J’ai découvert un artiste qui a ouvert sa pratique photographique à un niveau artistique.
Il a toujours été un adepte de l’expérimentation afin de ne délaisser aucune technique qui aurait pu faire avancer son art.
Il apporte à la composition de ses clichés une attention minutieuse qui ne laisse rien au hasard. Sa vision personnelle du monde est toujours présente et se reconnait dans chacune de ses images. Chaque cliché répond à une réelle intention du photographe.
Je vous propose de découvrir une photo qui me touche énormément par sa modernité, sa force graphique et son aspiration philosophique… c’est ma préférée…
De l’inspiration à la progression
Henri Cartier-Bresson avait bien raison lorsqu’il disait qu’André Kertész avait déjà tout fait avant nous. Chacune des images de ce précurseur de la photographie artistique moderne est une leçon de photographie.
C’est pourquoi je vous engage à découvrir le travail de ce photographe novateur du XXème siècle sans plus attendre si son œuvre vous échappe encore.
Apprenez de son œuvre. Inspirez-vous des techniques qu’il a utilisées et poussées jusqu’à leurs limites.
Je vous propose de choisir parmi l’œuvre gigantesque du photographe trois clichés qui vous émeuvent particulièrement et d’essayer de définir ce qui leur donne une telle force. Travaillez sérieusement de la sorte afin de comprendre la construction esthétique de chacune.
Intéressez-vous :
- à la lumière
- aux ombres
- aux reflets
- au graphisme
- aux angles de prise de vue
- etc…
André Kertész a tout tenté et il a tout réussi avec une vision particulière du monde, comme une entité mécanique qui ne demande qu’à être déchiffré.