La frustration, chaque photographe l’a déjà vécue… au moins plusieurs fois. Simplement parce que tout ne se passe pas toujours comme il le voudrait. Le photographe est soumis à de nombreuses contraintes, chacune relative à une situation donnée. Et il n’a parfois pas d’autre choix que de la subir.
Je suis certaine que vous avez tous en mémoire une grosse frustration photographique (ou plusieurs) à laquelle vous pensez encore des mois, voire des années, après que vous l’ayez vécue. Pour ma part, j’en ai deux en particulier qui me hantent… Je les évoquerai avec vous un peu plus tard dans cet article. Nous verrons que ces frustrations peuvent être de plusieurs ordres. Mais bonne nouvelle, je vais vous dire comment ne pas vous retrouver dans la tourmente de ces frustrations et sinon comment les dépasser.
Qu’est-ce que la frustration pour un photographe ?
Frustration du photographe débutant
Le photographe débutant se retrouve souvent devant une grande frustration : le manque de qualité de ses images. Et celle-ci provient incontestablement de deux types de comportements qu’il peut, fort heureusement, modifier assez facilement pour peu qu’il prenne conscience de son attitude problématique.
L’impatience
Un photographe débutant se sent frustré lorsqu’il fait beaucoup d’efforts sans résultat probant. Il n’estime pas recevoir en retour la récompense escomptée, sous-entendu de « bonnes » photos… Ce type de frustration vient le plus souvent de l’impatience du photographe.
« Vos 10 000 premières photographies seront les pires »
Henri CARTIER-BRESSON
La photographie est une discipline difficile. L’acquisition de ses bases techniques peut être longue. Elle nécessite beaucoup de pratique et de rigueur car elle est sans doute plus complexe qu’il n’y parait.
C’est pourquoi faire de la photographie, ce n’est pas juste appuyer sur le déclencheur pour prendre des photos. Il ne faut pas brûler les étapes d’apprentissage. Même si vous apprenez en autodidacte, et peut-être justement surtout si vous apprenez seul, ne soyez pas impatient et suivez votre rythme d’apprentissage. Il est le garant d’une progression solide, appuyée sur de bonnes bases.
Le manque d’intention photographique
Au-delà de la connaissance de son appareil photo (que ce soit un reflex, un hybride ou même, ne soyons pas sectaire 😉 , un compact ou un smartphone), de la maitrise de la technique (dont l’exposition, primordiale) , de celle de la composition, la photographie est soumise à un élément essentiel pour sa réussite : l’intention du photographe. Sans elle, le photographe peut rapidement partir dans tous les sens et se perdre… Comment être satisfait lorsque nous ne savons pas ce que nous recherchons ?
Photographier sans intention revient à juste appuyer sur le déclencheur. Or le photographe d’art (et ce n’est pas élitiste mais juste une façon de le mettre en opposition avec celui qui prend des photos de ses amis, sa famille, son quotidien juste pour le « souvenir » du moment) se doit d’avoir une certaine réflexion s’il veut tirer « quelque chose » d’exploitable de ses images :
- une vision artistique qui lui est propre
- un message
- une oeuvre artistique aboutie
- une capture d’un instant qui ne reviendra pas
Et c’est précisément sur cette dernière notion que je veux m’appuyer pour la suite de cet article quant à une autre approche de la frustration.
Frustration de photographe : l’instant passé ne reviendra pas
Je continue avec quelques frustrations auxquelles le photographe va forcément se confronter au cours de sa carrière (qu’il soit professionnel ou amateur). Et la plus frustrante de toutes à mon avis, celle qui laisse le plus de ressentiment et le plus durablement, est de ne pas avoir photographié un instant qui ne reviendra jamais. Car jamais les mêmes conditions ne peuvent se répéter.
Combien de « c’est pas la peine » ou « je reviendrai plus tard » nous hantent mêmes des années après ?
Dans mon expérience personnelle, j’ai deux de ces photos non prises qui se rappellent à moi régulièrement et pour lesquelles je m’en veux énormément.
« Si, c’est la peine »
Il y a trois ans de cela, j’étais en voiture sur une route de montagne lorsque j’aperçois furtivement sur ma gauche un chemin forestier qui attire mon attention. Il s’enfonce dans un sous-bois baigné de brume, éclairé d’un incroyable rayon de lumière oblique.
Pourtant même si cette scène quasiment onirique m’interpelle, je la dépasse très vite. Il y a d’autres véhicules derrière moi. Il est donc difficile de se garer précipitamment. J’en fais la remarque à mon mari qui me dit de me garer un peu plus loin et de faire demi tour. Je crois qu’il se doute que si je ne fais pas cette photo je vais le regretter et lui en parler pendant des jours. A ce moment là, il pense surtout à sa tranquillité à venir...
Mais je ne sais pas pourquoi, au lieu de cela, je dis « tant pis c’est trop tard, ce n’est pas la peine ». Et je continue de rouler. Grave erreur car je pense encore à cette photo que je n’ai pas prise.
« Plus tard, c’est trop tard »
Depuis un semestre, je passe environ une à deux fois par mois sur une route pour un trajet qui se répète régulièrement, sans être pourtant très fréquent. J’avais remarqué un endroit en pleine campagne avec un vieux panneau de sens interdit partiellement recouvert par une végétation dense de ronce. Cela me paraissait intéressant.
J’imaginais déjà le cliché en noir & blanc… Mais une fois j’ai oublié mon appareil photo. Une autre je n’avais pas trop le temps de m’arrêter. Et la suivante, je suis passée devant le lieu sans m’en rendre compte… Et toujours je me disais « c’est pas grave, je le ferai la prochaine fois ».
Mais quand je me suis enfin décidée, des travaux de voirie avaient été réalisés. Mon panneau avait été dégagé, l’herbe et les ronces alentour coupées… Autant dire que la scène n’était plus du tout celle que j’avais imaginé pour ma photo. Elle avait perdu une grande partie de son « charme ». Et le message n’était plus vraiment le même.
Alors grosse déception et énorme frustration. J’ai tout de même fait ma photo, mais elle est bien différente de celle que j’avais imaginé…
Frustration de photographe : jouer de malchance
Même si nous ne pouvons pas dire que la photographie est une question de chance, il arrive parfois que le photographe joue réellement de malchance. Malgré toute la patience possible, toutes les meilleures conditions ne sont pas toujours réunies en même temps.
Il peut arriver que la lumière soit bonne, le sujet intéressant, l’ensemble des éléments du cadre en adéquation avec les attentes du photographe et pourtant… Les sources de déconvenues sont nombreuses :
- des silhouettes qui se chevauchent venant brouiller l’image
- une personne ou un animal qui entre dans le cadre et ne parait plus vouloir en sortir
- des véhicules qui passent incessamment
- etc…
Lorsque tous les éléments inhérents à la prise de vue et dépendant du photographe sont réunis (réglages, lumière, composition…) mais qu’un petit grain de sable extérieur, sur lequel nous n’avons pas d’emprise, surgit et s’installe durablement, c’est la frustration qui saisit le photographe. Il a ce sentiment qui consiste à dire « j’y étais presque« .
Surmonter sa frustration
Eviter la frustration
Le mieux bien évidemment est de tout faire pour éviter de se retrouver dans une situation qui tend à faire émerger toute frustration. Pour cela, c’est assez simple en fin de compte :
- toujours avoir son appareil photo sur soi
- prendre le temps de s’arrêter là où l’inspiration nait (arriver 5 minutes plus tard à destination n’a souvent aucune répercussion préjudiciable sur le reste de la journée)
- être conscient que le moment présent avec les conditions actuelles ne se représentera jamais, donc ne pas remettre à plus tard
- ne pas photographier juste pour photographier mais avec une intention réfléchie derrière l’acte. Ceci évite d’enchainer les prises de vue sans intérêt et de devoir « jeter » un nombre effroyable de très mauvaises photos
Dépasser la frustration
Mais si malgré tout, frustration il y a… Alors c’est le moment de dépasser cette sensation désagréable en sachant « oublier » ce sur quoi vous n’avez de toute façon plus prise.
Se donner le temps
Utilisez cette expérience pour vous rapprocher dorénavant du photographe qui met toutes les chances de son côté en étant celui qui ne rate rien. Et pour cela, il faut se donner le temps :
- d’être patient
- de s’adonner à une séance photo improvisée
Voir plus loin
La photographie est une discipline de l’action. Donc il convient de rester focus sur les prochaines prises de vue. nous sommes bien conscients que ce qui est passé ne reviendra pas, nous l’avons largement répété. Alors inutile de s’attarder sur ce que nous ne pouvons pas changer et regardons devant nous. Il y a tant de photos qui nous attendent !
« Quelle est ma photo préférée ?
Celle que je prendrai demain »
Imogen CUNNINGHAM
Et puis si nous réfléchissons un peu : est-ce que nous n’idéalisons pas un peu trop ces photos que nous n’avons pas prises ? Chacune d’elles n’était pas forcément la photo du siècle… Elle aurait bien pu être complètement ratée ; une mauvaise photo parmi tant d’autres mauvaises photos…
C’est pour cette raison qu’il faut se tourner vers toutes les photos qu’il nous reste à faire.
Alors, juste après la lecture de cet article, prenez votre appareil photo et sortez pour un petit shooting improvisé !
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