Michael Kenna est un photographe anglais dont les photographies de paysages en noir & blanc ont conquis le monde entier. Il privilégie, dans son travail, des paysages dépourvus de présence humaine. Au fil du temps, son oeuvre s’est épurée.
Ma vision de mon propre travail photographique me porte, je le sens bien, de plus en plus vers des images épurées, voire minimalistes. Le noir & blanc restant son support de prédilection, je ne pouvais qu’être attirée par les images saisissantes de Michael Kenna. Comment pouvait-il en être autrement ?
Michael Kenna, introduction à la photographie
Né en 1953 en Angleterre, Michael Kenna se passionne très jeune pour l’art, notamment la peinture. Il étudie la photographie au London College of Printing d’où il sort diplômé en 1976.
A la fin de ses études, il part pour les Etats-Unis, où l’art photographique est plus avancé. Il s’installe à San Francisco où il rencontre Ruth Bernhard, grande photographe surtout connue pour ses études de nus, mais qui travaille également les natures mortes. Il l’assiste pendant plus de dix ans dans le tirage exigent de ses photos.
Puis il déménage à Seattle, où il vie actuellement.
Michael Kenna, photographe
Sans doute parce que Michael Kenna a fait ses armes de photographe aux côtés de Ruth Bernhard, il a gardé pour son propre travail l’habitude photographier en argentique et d’apporte un soin particulier à ses tirages, toujours de très grande qualité. Il n’hésite pas à les réaliser lui-même, dans sa chambre noire, avec une immense minutie.
Des projets à longs termes
Son travail photographique s’articule sous forme de longs projets, souvent de nombreuses années (sept ou huit ans, parfois davantage). Photographier des lieux qu’il connaît déjà, revenir plusieurs fois pour affiné son approche et sa vision est une habitude de travail pour lui. Il explore inlassablement certains lieux avec d’incessants aller-retour.
« J’aime travailler sur trois ou quatre projets à la fois, et même lorsqu’ils sont censés être terminés, je peux continuer indéfiniment »
Michael KENNA
Mener plusieurs projets de front est pour Michael Kenna une façon de travailler.
Ses influences
Lors de ses études en photographie, son intérêt pour une approche plus artistique que professionnelle de la discipline nait en 1975 lors de l’exposition « The Land », au Victoria and Albert Museum. Le photographe Bill Brandt avait assuré la direction artistique de cette exposition. Michael Kenna reconnaît volontiers l’influence capitale de Bill Brandt sur son propre travail.
Mais d’autres grands photographes européens, comme Eugène Atget, Peter Henry Emerson et Josef Sudek, ou américains comme Ruth Bernhard, Harry Callahan, Charles Sheeler et Alfred Stieglitz ont eu un impact sur sa vision de la photographie.
S’inspirer de grands photographes, aussi hétéroclites qu’ils soient est une richesse culturelle. Ceci permet de nourrir son art de références et de techniques maitrisées par d’autres, comme une source d’inspiration inépuisable.
La vision de Michael Kenna
Je nomme vision ce que certains qualifient de style. Je trouve que la vision est plus riche de nuances et de détails dans le sens où elle fait appel à une façon toute particulière d’appréhender le monde qui nous entour.
Michael Kenna voit le monde en paysages dont l’émotion qu’ils renvoient est accentuée par l’utilisation du noir & blanc. De ces paysages, la présence humaine est exclue.
Michael Kenna, un travail en perpétuel évolution
La brume
Les images de Michael Kenna apparaissent souvent comme fantomatiques. Il use de la brume et du brouillard comme des éléments importants dans le cadre. Ils voilent autant qu’ils dévoilent des paysages presque emplis de mystère.
Ce mystère est sans nul doute accentué par l’absence de personne. Devant une photo de Michael Kenna, nous ne pouvons nous empêcher de demander : mais où sont les Hommes ? Cette absence peut même créer parfois une sorte de malaise. Des créations humaines sont là, bien présentes, mais aucune trace des Hommes.
La pose longue
Et lorsque la brume vient à manquer, le photographe fait ses prises de vue en pose longue afin de créer cette même atmosphère vaporeuse sur les étendues d’eau, par exemple.
Adepte des lumières de l’aube ou crépusculaires, certains de ces temps de pose dépasse plusieurs heures ; en fonction de la luminosité et de l’ambiance qu’il souhaite rendre.
Souvent, les surfaces d’eau ont, dans l’oeuvre du photographe, cet aspect cotonneux et quelque peu onirique. Je trouve que l’on « entre » dans une image de Michael Kenna comme on pourrait entrer dans un rêve, un songe qui nous enveloppe de douceur, d’émotions et de sensations.
Le minimalisme
Le travail de Michael Kenna tend à se rapprocher de plus en plus, les années passant, vers une une branche de la discipline photographique qui se distingue : la photo minimaliste.
Loin d’être une perte d’information, le minimalisme revient à dire beaucoup avec peu. J’aime beaucoup cette définition, tout est dit. C’est une approche qui met en exergue les sentiments et les ressentis les plus forts.
Quelques lignes bien choisies et un contraste maitrisé permettent d’emporter émotionnellement le spectateur dans une image en apparence, et seulement en apparence, simple, mais surtout pas simpliste.
L’espace négatif
Le photographe use de l’espace négatif pour donner une certaine atmosphère à ses images. L’une de ses fonctions va être de permettre de guider le spectateur vers le sujet principal sans ambiguïté.
Les contrastes forts utilisés par le photographe accentuent le rôle de l’espace négatif. La pose longue adoptée, même en lumière « normale », apporte aux images l’onirisme qui les caractérise dans le travail minutieux et subtil de Michael Kenna.
Le détournement des règles de composition
Le travail de Michael Kenna repose sur une approche consciencieuse et un soin du détail rigoureux, sur l’effet onirique et épuré qu’il donne à ses images (grâce à quelques éléments comme la brume, la pose longue, la maitrise de l’espace négatif…).
Mais il semble se dissocier ou plutôt s’écarter des règles de composition basiques afin d’affirmer sa propre vision du paysage. Et il est clair qu’il ne se plie pas à la sacro sainte règle des tiers, certes largement décriée, moi en tête.
Par exemple, sur la photo ci-dessous, la ligne d’horizon n’est clairement pas placée sur l’une des lignes de force horizontales de la règle des tiers (elle parait même légèrement penchée… me semble-t-il…). Et alors ? Cette image fonctionne tout de même : l’émotion est bien là ! (pour moi en tout cas)
Les lecteurs de cet article ont également consulté : « Règle des tiers : aide ou limite ? »
Je crois que Michael Kenna est un photographe qui a une vision libérée de toutes entraves. 40 ans de photographie, cela permet de s’affranchir et de s’affirmer.
Travail récent de Michael Kenna
Ces dernières années, le photographe travaille sur une série , un projet au long court comme à son habitude, autour des arbres principalement mais pas seulement. Les prises de vue se font essentiellement au Japon, un de ses pays de prédilection.
Travail à suivre…
Progresser avec Michael Kenna
Michael Kenna est une source d’inspiration pour moi dans la mesure où je ressens dans ses images l’esprit libre qu’il est : un photographe exigent qui rend un paysage, en apparence simple, sublime d’émotions.
Il emploie, avec une extrême maitrise, des techniques et procédés qui servent admirablement sa vision :
- l’argentique pour un grain incomparable
- la pose longue pour un effet onirique en toutes circonstances
- la lumière de l’aube ou du crépuscule pour jouer avec elle
- des contrastes forts et tranchés pour définir aisément le sujet de l’image
- l’espace négatif pour diriger le regard du spectateur
- l’absence de l’humain pour mettre le focus sur le paysage
Vous l’aurez compris, je suis fan. Et vous, connaissiez-vous l’oeuvre de ce grand photographe ?
De nombreux musées exposent ses tirages de manière permanente. Sinon quelques expos sont prévues à travers le monde en 2021 : du 26 février au 24 avril, Exposition abstraite-figurative à la Galerie Albrecht, à Berlin ; du 13 avril au 23 mai, Exposition de réflexions à la Gallery KONG, à Séoul. Pour la France, l’expo Noir & Blanc : une esthétique de la photographie, Exposition Collection de la Bibliothèque nationale de France au Grand Palais à Paris (mais reportée jusqu’à nouvel ordre).