Le travail de René Robert, photographe de Flamenco internationalement reconnu, nous ouvre les portes d’un art qui sublime l’émotion. Danseurs, chanteurs et musiciens sont ses modèles de prédilection. Son talent a su saisir l’essence même du Flamenco, un art de vivre puissant, jamais trahi sous l’objectif de ce grand photographe.
René Robert est décédé ce 20 janvier dernier dans des circonstances troublantes, inhumaines et révoltantes. Mais c’est à son humanité, à son talent et à sa vision du monde du Flamenco que je veux rendre hommage aujourd’hui.
Disparition du photographe René Robert
Le photographe suisse René Robert est décédé, à 85 ans, il y a quelques jours, dans la rue d’un quartier animé de Paris, dans l’indifférence la plus totale.
Chute ou malaise, il a passé 9 heures couché sur un trottoir sans qu’aucune assistance ne lui soit portée. Traumatisme crânien et hypothermie ont été fatals en ce mois de janvier glacial.
Cela en dit long sur notre société qui a rendu transparents les homme et les femmes qui vivent dans la rue. Car il semble évident que toutes les personnes qui ont contournés ce corps inerte sur le trottoir l’ont prises pour un sans abri endormi.
Comment en sommes-nous arrivé là ? A cette extrême indifférence. Mais qu’aurais-je fait à la place de ces passants ? A quel moment notre société a-t-elle perdu toute humanité ?
René Robert, photographe de flamenco
René Robert est LE photographe du Flamenco. Pas un concert sans sa présence discrète auprès des danseurs, des chanteurs et des musiciens. Il photographie le Flamenco depuis plusieurs décennies.
Les débuts
Il découvre la photographie très jeune, à l’âge de 14 ans. Après une formation de 3 ans chez un photographe, il travaille pour une agence de presse à Genève.
Au milieu des années 60, il s’installe à Paris et monte un petit studio à Montmartre. Dans cette ville qu’il ne quittera plus, une danseuse lui fait découvrir le milieu du Flamenco en l’emmenant dans un tablao, club de Flamenco, nommé « Le Catalan ».
Dès 1967, il devient un portraitiste reconnu de cet art. Il travaillera principalement, pour ne pas dire exclusivement, en noir & blanc pour le Flamenco.
D’observateur, il devient photographe quand le danseur de Flamenco Manolo Marin lui demande de la photographier. Cette expérience qu’il a trouvé intéressante l’incite à partir quelques temps en Espagne. Là, il prend beaucoup, énormément, de photos de Flamenco.
Ce qui commença comme une passion va animer toute sa vie personnelle et professionnelle, puisqu’il n’y aura plus que le Flamenco. Une vie consacrée à cet art mêlant chant, danse et musique.
Le travail d’une vie
L’émotion a guidé son travail depuis ses débuts. Il a su les saisir, les figer avec son appareil photo pour les offrir au monde. Le photographe restitue l’intensité, la beauté, la force d’un art authentique et sublime d’émotion. Et il est capable, grâce à son talent, sa sensibilité, son approche généreuse et bienveillante avec les artistes, de sublimer cette intensité qui caractérise si bien le Flamenco.
René Robert est à l’origine d’images iconiques, notamment de son grand ami, le musicien Paco de Lucia, magnifique guitariste espagnol. Il a immortalisé les plus illustres noms du Flamenco. Tous les plus grands passent devant son objectif.
Très rapidement, il abandonne la couleur pour le noir& blanc et l’intensité émotionnel que celui-ci amène et ajoute à des images déjà très fortement teintées d’émotion.
« J’ai fait le choix du noir et blanc car il a une force expressive plus importante que la couleur. Peut-être est-ce le fait que la couleur donne un aspect plus naturel, plus près du réel, et quelquefois anodin. Le noir et blanc transpose l’image, cela lui donne un impact. Il y a aussi, dans le noir et blanc, un côté tragique qui me semble correspondre d’avantage au flamenco que la couleur, et le côté contrasté, entre le noir et le blanc, correspond mieux à ses différents aspects. »
René Robert
Photographier le flamenco selon René Robert
René Robert envisageait sa pratique photographique comme une sorte « d’instinct émotif » à saisir sur le vif.
Voici les 5 conseils à appliquer, selon René Robert, pour photographier le Flamenco et rendre la grâce (état de grâce) et la rage (rage de vivre) qui l’habitent :
- utiliser les moyens photographiques les plus simples (pas de fioriture tel que des filtres, des cadrages recherchés…). En bref, ne pas détourner l’intensité du moment par des artifices inutiles
- être discret pour l’artiste, se faire oublier
- refléter la réalité franche dans ses images
- observer et s’imprégner
- repérer les moments les plus expressifs de l’artiste
Les photographies doivent être fidèles à la réalité pour ne pas perdre en intensité.
« J’attends les moments forts, quand l’expression est à son apogée. »
René Robert
La consécration
En 2015, une grande rétrospective de son travail lui est consacrée au Carré d’Art à Nîmes : « Un itinéraire en flamenco ».
L’héritage du photographe René Robert
René Robert laisse un riche héritage et un fort témoignage d’un milieu peu connu en France, celui du Flamenco. Un art de vivre passionnant et passionné que le photographe a su saisir pour le transmettre aux autres.
Jamais le photographe n’a terni ou amoindri l’émotion qui se dégage du Flamenco, sa rage, sa grâce…
« On garde le regret de tout ce que l’on a pas pu, ou su prendre. »
René Robert