Des photos préférées nous en avons tous dans la mesure où certaines nous touchent plus que d’autres. Ceci est du à notre histoire, notre parcours personnel, notre propre sensibilité. Car qu’est-ce qu’une photo préférée ? C’est tout simplement une image qui résonne en nous. Une image qui ne nous laisse pas indifférent.
En photographie, je pense que l’indifférence est la pire chose qui puisse arriver à une de nos images. Mieux vaut une critique… Au moins cela signifie que le regard du spectateur n’est pas passé dessus sans s’y accrocher, sans la voir.
Et j’aime particulièrement cette émotion quand mon regard (ou mon âme) est touché par une photo. J’aime cette sensation éprouvée d’être devant quelque chose qui en vaut la peine… du moins pour moi.
Photos préférées : pourquoi résonnent-elles en nous ?
Il est très difficile de parler de photos préférées lorsque l’offre est si large. Le choix a été très compliqué pour moi car j’apprécie le travail de nombreux grands photographes qui sont des sources d’inspiration pour moi.
Cependant, il est vrai que certaines images nous touchent plus particulièrement. Comment l’expliquer ? Difficile à dire. La génèse d’une émotion est complexe à définir. D’autant plus qu’elle agit différemment selon chacun.
C’est pourquoi les 5 photos que je vais vous présenter peuvent très bien ne pas avoir le même effet sur vous… Toutefois, je vais tenter de vous exposer ce qui me touche dans ces clichés. Ils sont très différents les uns des autres mais comptent pourtant un point commun : ce sont des photos en noir & blanc.
Une de mes photos préférées de Ansel Adams
Si vous suivez régulièrement ce blog, vous savez déjà que Ansel Adams est l’un des photographes dont j’apprécie vraiment beaucoup le travail.
Cette photo me parle alors que je ne suis absolument pas une photographe de paysages. Mais comme le noir & blanc m’intéresse énormément avec ses « règles » et ses contraintes de vision en amont, avant la prise de vue, je ne pouvais qu’être envoutée par des clichés très travaillés, notamment avec le zone system mis au point par Ansel Adams.
Je suis sensible aux contrastes forts en règle générale. Sur cette image, et toutes celles de ce photographe, la palette du blanc pur au noir pur en passant par le gris moyen est exceptionnellement puissante.
Le travail de la lumière est si précis qu’il semble presque que l’image soit en relief. Regardez la texture des nuages ! C’est juste incroyable. Il faut bien se rendre compte que le post-traitement d’une image comme celle-ci datant des années 40-50, se fait dans la chambre noire, et non pas sur ordinateur avec un logiciel qui calcule tout pour vous…
Lorsque je regarde ce cliché, je suis complètement transportée dans ce parc du Yosemite. Je suis là présente parmi ces sapins. Je suis au pied des falaises sous ce ciel incroyable.
Une de mes photos préférées de Dorothea Lange
Cette photo est très forte dans la mesure où la photographe a décidé de jouer sur le contraste conceptuel. Le cliché est pris pendant la Grande Dépression, heure difficile de l’histoire américaine. La pauvreté touche un grand nombre d’américains ruraux qui se retrouvent à la rue et sur les routes pour gagner des lieux où ils pourront trouver du travail.
Ces deux hommes portent sans doute dans leurs maigres bagages tout ce qu’ils ont… c’est-à-dire pas grand chose. Ils passent à hauteur d’un panneau publicitaire qui préconise et défend le confort des voyages en train, plus « relax ».
La rectitude de la route à perte de vue, cette perspective vers leur destin, sans doute, donne encore davantage de force à leurs pas qui les mènent vers l’inconnu. Le regard est happé et transporté avec les deux silhouettes. Le fait qu’ils soient de dos ajoute une dimension d’incertitude et d’anonymat.
Une de mes photos préférées de Nick Brandt
Nick Brandt est un photographe animalier dont le travail artistique et créatif très particulier résonne comme un documentaire sur la détérioration de l’habitat animal dans l’Est de l’Afrique.
J’ai l’impression avec cette image que l’éléphant me regarde droit dans les yeux. Je suis dans l’image, juste de l’autre côté de la rivière. Les textures de la trompe comme les défenses sont exceptionnellement bien rendues grâce à une netteté parfaitement maitrisée. Le flou autour de l’éléphant permet d’imposer une ambiance qui permet de mettre le focus sur le sujet, placé bien au centre, pour appuyer encore son importance.
Je crois que pour apprécier la beauté pure de cette image, il faut savoir comment travaille ce photographe :
- pas de téléobjectif
- toujours au plus près de l’animal
- parfois en planque pendant plusieurs jours pour que l’animal sente et s’habitue à sa présence
- en argentique
Je crois que nous pouvons ressentir le respect du photographe pour l’animal dans ce cliché…
Une de mes photos préférées de Michael Kenna
Je me suis rendue compte que j’étais de plus en plus attirée par la photo minimaliste. Il s’agit d’un domaine de la photographie un peu complexe dans la mesure où être minimaliste ne revient pas qu’à inclure dans le cadre un sujet esseulé… et puis c’est tout. Au contraire, l’image doit, avec un minimum d’éléments, conserver un message ou une idée.
Ici la pose longue a permis de donner de la matière au ciel et de l’évanescence à la surface de la mer. Les flous ainsi mis en évidence sont contrebalancés par l’immobilisme de la structure architecturale d’un noir profond. Elle fait le lien entre mer et ciel en étant représentée dans les mêmes proportions sur l’une et l’autre. Le contraste est incroyablement équilibré.
Il réside dans cette image un ton onirique qui m’emmène assez facilement dans cet univers entre deux eaux et entre deux lumière célestes.
Je trouve que les images de Michael Kenna ont le pouvoir de nous transporter dans un voyage fort agréable dans un esthétisme minimaliste certes mais pas dépourvu d’émotion.
Une de mes photos préférées de Sebastiao Salgado
Cette image est issue de l’exposition « Genesis ». Elle représente des membres de la communauté Waura en Amazonie.
Des silhouettes, debout sur des pirogues, se découpent à contre-jour. La brume cache le soleil et l’arrière plan, créant ainsi une atmosphère toute particulière.
Avec un déplacement en diagonal de la pirogue en premier plan, le regard suit d’instinct cette ligne pour traverser l’image et aller vers les autres silhouettes plus lointaines.
Cette photo évoque en moi deux sentiments contradictoires.
Le premier est la quiétude que renvoie le mouvement de la pirogue, un peu comme si elle avançait en glissant dans le silence de ce lever (ou coucher) de soleil.
Mais le second sentiment est une sorte de peine ou d’oppression comme si j’étais le témoin de la disparition sans bruit d’un des peuples natifs amazoniens dont nous connaissons tous la précarité. J’ai l’impression que les silhouettes de la photo vont s’évanouir dans la brume dans la plus totale indifférence…
Vos photos préférées vous rendent meilleur photographe
Au-delà de l’émotion que procure une photo, le fait de porter de l’intérêt à une image qui vous parle va vous permettre de progresser dans votre pratique photographique.
En essayant de comprendre pourquoi une photo vous plait, vous vous offrez des pistes de travail futures. Il ne s’agit pas de vouloir imiter ou refaire ce qui a déjà été fait mais de s’inspirer des photographes connus qui vous émeuvent pour avancer vers davantage d’excellence, à leurs côtés.
Je vous ai parlé de mes photos préférées mais quelles sont les vôtres ?
Bonjour,
Merci de cet article. J’y trouve un excellent modèle d’introspection sur les raisons qui me font choisir de partager ou non une de mes Photos. Ce type de regard me permet aussi de prendre davantage contact avec le style personnel (N&B) qui correspond le mieux à mes états émotionnels. Personnellement, ce sont les deux dernières photos de l’article qui me plaisent le plus en raison sans doute de leur caractère onirique et de toute la place qu’il laisse à une lecture imaginative personnelle. Bravo encore pour ces fréquentes plongées dans les profondeurs de la culture photographique.
La photographie au-delà de son aspect technique porte en elle une lourde charge émotionnelle qui est trop souvent à mon sens caché par la technique. j’ai horreur lorsque je montre mes images que l’on me demande quelle ouverture ou quelle vitesse j’ai utilisé… mon intérêt pour une image réside dans ce quelle me renvoie et ce quelle me fait ressentir. c’est ce que je voulais aborder dans cet article.
A titre personnel, je suis sur la même longueur d’onde. Mais, de temps en temps, si on veut s’enfoncer dans ce monde-là, un petit conseil technique est parfois le bienvenu… Merci pour tous vos apports.