Philippe Halsman est un photographe qui découvre le portrait en même temps que la photographie alors qu’il n’a que 15 ans. Avec plus d’une centaine de couverture du magasine Life, un record absolu, il immortalise les personnalités de toutes disciplines. Mais il est également reconnu pour être l’inventeur de la Jumpology qui consiste à photographier le sujet en plein saut, avant que ses pieds ne retouchent le sol.
Si l’oeuvre de Philippe Halsman ne se résume pas à la Jumpology, loin de là, c’est cette partie de son travail que j’ai décidé d’aborder dans cet article. Cette « idée folle » et malicieuse de la Jumpology laisse entrevoir le quotient créatif dont faisait preuve son esprit. Il est sans conteste un créatif à l’état pur.
Philippe Halsman
Une courte biographie
Né à Riga (Lettonie) en 1906, c’est à quinze ans qu’il découvre la photographie avec le matériel familial. La toute première image qu’il développe représente sa sœur à une fenêtre. Sa passion des portraits commence.

Un drame personnel (la mort de son père dont il est injustement accusé et pour lequel il restera deux ans en prison) l’entraîne à quitter l’Autriche et à poursuivre son art à Paris.
Mais la Seconde Guerre mondiale le pousse à s’installer définitivement aux Etats Unis dont il obtiendra la nationalité.
Un travail hyper créatif
Lorsqu’il est a Paris, sa formation d’ingénieur l’aide a créer des appareils photo lui permettant de « jouer » avec la lumière. Proche des surréalistes, il se familiarise avec certaines de leurs techniques : montage, collage, surimpression… Ces expérimentations stimulent sa créativité.
A son arrivée à New-York, il va rapidement intégrer les codes de son pays d’adoption et travailler avec plusieurs magazine, dont Life (dès 1942) auquel il sera très fidèle avec une centaine de couvertures.
Dans les années 50, il invente la Jumpology, un procédé surprenant consistant à photographier des personnalités, de tous bords, en l’air, lors d’un saut. Encore une preuve de sa grande créativité ! Cela permet d’allier son amour du portrait à une bonne humeur qui permet au sujet de lâcher prise et de se présenter « au naturel ».
Sa grande et durable amitié avec Salvador Dali n’est qu’un exemple de plus d’une créativité débordante et d’une originalité sans cesse renouvelée…

La Jumpology de Philippe Halsman
Dès le début des années 50, Philippe Halsman demande à ses modèles de terminer chaque séance de prise de vues par quelques sauts qu’il immortalise de son appareil photo.
C’est en photographiant la famille Ford pour le 50ème anniversaire de la marque, en 1952, que Philippe Halsman a cette idée folle : faire sauter Mme Ford devant son objectif.
« Lorsque vous demandez à une personne de sauter, son attention est essentiellement portée sur l’action et le masque tombe, révélant sa vraie personnalité. »
Philippe Halsman
Le photographe veut privilégier une certaine désinhibition de ses modèles en les rendant plus naturels et photogéniques que lorsqu’ils sont figés dans des poses étudiées.
Le procédé
Le photographe demande à ces sujets de bondir à la verticale, aussi haut que possible. C’est alors qu’il appuie sur le déclencheur avec un réglage élevé de la vitesse d’obturation afin de figé le mouvement.
Cela donne un effet très dynamique aux images même si les corps paraissent davantage en lévitation qu’en plein saut pour certains.

Pour Philippe Halsman, la Jumpology demeure un exercice photographique proche du portrait, certes non conventionnel. Mais il faut reconnaître qu’à plusieurs égards le portrait d’art américain n’est pas toujours très conventionnel.
Ici, le corps prend une place importante dans une photo dite de portrait : cela pourrait sembler ambivalent et pourtant ça fonctionne très bien !
Cette technique a parfois été copiée. Un peu oubliée, elle semble revenir en force avec les réseaux sociaux sur lesquels cette attitude « en l’air » semble beaucoup plaire…
Les modèles
Portraitiste des plus grands de son époque, il les fait donc sauter à la fin de chaque séance photographique. Même si certains hésitent à se plier à cette demande afin de « garder le contrôle de leur image« , la plupart acceptent de se livrer « au naturel » dans cet exercice de totale lâcher prise.
Marylin Monroe fut peut-être la personnalité avec laquelle le « jeu » se révéla le plus compliqué. En 1959, elle est déjà une star dont l’image est scrupuleusement travaillée. Il faut alors à Philippe Halsman beaucoup de patience et de persuasion pour l’entraîner dans une séance de Jumpology : soit 200 sauts durant trois heures ! Il ira même jusqu’à sauter avec elle en lui tenant la main. Mais au final, le résultat est concluant et cela donne des images mondialement connues.


Beaucoup d’humoristes se prêtent à l’exercice puisque le procédé ludique leur permet de forcer la mimique et les postures étonnantes en plein saut.
Mais d’autres personnalités, dites plus « sérieuses », comme le duc et la duchesse de Windsor n’hésitent pas à sauter devant l’objectif de Philippe Halsman. La droiture que leur rang exige est conservé mais contre-balancé par un petit air enfantin. Quel plaisir de voir leur regard espiègle et détendu ! Sans oublier les chaussettes à carreaux du duc !

Un recueil de Jumpology
En 1959, Philippe Halsman rassemble tous ses clichés de Jumpology dans un ouvrage sobrement intitulé le « Jump Book ». Personnalités du cinéma, de la vie politique ou culturelle se retrouvent bondissant ; des plus connus à ceux en devenir. Un pur régal pour les yeux et le moral ! Une leçon de joie !
Philippe Halsman, le créatif
Le photographe a su montrer sa fantaisie et sa créativité à travers de nombreux travaux et projets photographiques. J’ai voulu largement évoquer la Jumpology car il s’agit d’un de ceux qui a le plus marqué la carrière de Philippe Halsman.
Cependant je ne peux pas terminer sans en évoquer un autre qui me plait énormément et dont le modèle est Fernandel. Ce travail s’appelle « The Frenchman. A Photographic Interview with Fernandel ».
L’idée est simple : Fernandel ne parlant pas anglais, Philippe Halsman pose des questions parfois saugrenues à l’acteur qui répond avec des mimiques très explicites comme il est le seul à pouvoir le faire, sa palette étant si large !

Quelques exemples de questions posées à Fernandel :
- n°2 : « Quel est votre avis sur la situation internationale ? »
- n°3 : « Quelles sont les mesures prises par le gouvernement français pour accroître le taux de natalité ? »
- n°21 : « Avez-vous goûté notre champagne californien ? »
Encore une expérience photographique totalement originale et atypique permettant de réaliser un des entretiens les plus drôle et émouvant jamais réalisés.
C’est pourquoi j’apprécie le travail de ce photographe hyper créatif.
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Je vous laisse faire preuve de curiosité afin de partir sur les pas et le travail photographique si riche de ce photographe majeur de son époque. Je vous conseille, comme toujours, de ne pas hésiter à vous inspirer des plus grands photographes pour progresser.
Vous pouvez aussi vous procurer l’album Reporters sans frontières « Printemps 2020 » consacré à Philippe Halsman.